Kent L'homme de derrière (Kent) -------------------------------------------------------------------------------- A vous qui, chaque fois que vous n'êt's pas en r'tard, Achetez ces bouquins vendus sur les quais d' gare, Sachez que vot' fidélité aux yeux fermés Qui vous fait toujours choisir le mêm' romancier, Cett' fidélité vous trahit d'un' main allègre Car cet auteur n'écrit pas, cet auteur a un nègre. C'est un géant habile, oui, mais aux pieds d'argile. Dans l'ombre pour lui un type a du style. C'est moi, l'homme de derrière, l'inconnu volontaire Qui s' contente d'avoir la rançon sans la gloire. C'est moi, l'homme de derrière qui roule à l'ordinaire. Mais moi, j' m'en fous, je n'aim' pas la parade, Je préfèr' les coulisses aux lampions des façades. Une star du moment, féminine absolue, Fait la une des kiosques avec ses pein's de cul. Le pays tout entier s'émeut de son malheur En r'comptant les amants qui l'ont laissée en pleurs. Mais derrièr' la vitrine du défilé des mâles, Au-delà des oignons aux vertus lacrymales, Se planqu' sous l'édredon un discret étalon Qui console la belle avec aplomb. C'est moi, l'homme de derrière, l'inconnu volontaire Chez qui sonne la douce sans médias à ses trousses. C'est moi, l'homme de derrière, le repos d'la guerrière. Loin des bruits d'alcôve et autres galéjades, Je préfèr' les coulisses aux lampions des façades. Brav's gens qui me croisez sans trop me remarquer, Je tiens à vous prév'nir de ne pas vous y fier. Je suis en apparence parfaitement bonasse De ma coupe de ch'veux au cuir de mes godasses Mais j'ai un poing levé caché dans ma doublure, Un poing à envoyer au tapis les parjures. Au fond de moi se recueille et tient le monde à l'oeil Un Zorro virtuel dans son fauteuil. C'est moi, l'homme de derrière, l'inconnu volontaire, Prêt à porter secours mais qui attend son tour. C'est moi, l'homme de derrière, justicier solidaire. Foin des vantardises et des rodomontades, Je préfèr' les coulisses aux lampions des façades.